Faut dire que je suis resté pas mal de temps à rien foutre, juste regarder au-dessus de mon nez, voir comment ça bougerait par là… quelques années !
Et c’est alors que l’écrit vint. Comme je vous l’écris, vint.
Les mots m’habitent, ma chère, voulez-vous bien l’admettre, et où puis-je vous les mettre ?
Je vous explique, c’est disposition mentale ! Les mots, avec moi, ils se laissent faire, pas farouches pour deux ronds. A leurs yeux je ne suis pas dangereux, je ne suis qu’un presque vieux qui veut encore s’amuser un peu, aussi ils m’accordent de bon cœur leur compagnie. Après le départ de K. au travail je m’installe dans mon fauteuil en osier devant la fenêtre, je porte le regard au loin, tout loin, comme si je n’étais presque plus nulle part en vérité, et alors les mots envahissent ce presque nulle part où je me trouve, ils se baladent, ils me passent devant, ils flottent, ou bien même au dedans ils me parlent, ils me susurrent leur drôle de sonorité à l’oreille. Gare maritime. Embouchure. Volubilis. Vaquer par exemple, oui vaquer.
Au bout d’un moment, ça peut durer, hein, des heures, ils me proposent d’allumer l’ordi pour que je vous raconte. Et soudainement voilà qu’ils sont fin prêts, tous bien ordonnés les uns derrière les autres. C’est rare que ça se chamaille. Sages comme des huîtres, dirait ma voisine.
Voilà, on s’amuse comme ça toute la journée, les mots et moi
Aujourd’hui c’est encore eux qui sont venus me chercher pour faire ce post. Une délégation s’est d’abord avancée, annoncée, en habit de ville et moustache de sergent :
« Septimus, le post qu’on a fabriqué ensemble hier nous dérange aujourd’hui. Nos collègues – méchanceté, pisse-froid, fiellosité, manigances, salir, ordurières, malotru – font partie intégrante de notre belle famille, cependant il ne faudrait pas qu’ils restent trop longtemps à narguer l’œil de tes lecteurs, il faut savoir que certains mots de par chez nous peuvent devenir toxiques assez rapidement. »
Les mots tu vois, ils nous veulent que du bien !
« Ok les gars, qu’est-ce qu’on pourrait raconter alors ? »
« Si tu permets, aujourd’hui on aimerait te proposer une citation concurrente, qu’on a dénichée sur ton netvibes, là où tu planques les mots qui s’entendent avec d’autres blogueurs. Elle est d’Eric Chevillard, citation n°846 du mercredi 24 mars, elle nous a bien plu celle-là, ça parle de nous, un peu comme ici, mais là-bas carrément on prend forme. Regarde ! »
« À Murano, le souffle de l’homme forme de petits objets en verre, des biches, des dauphins. Mais, plutôt que dans son atelier, c’est chez lui qu’il faudrait pouvoir l’observer, dans son foyer, quand il râle, quand il se plaint, quand il jure. »
Ils étaient drôlement joyeux mes mots, vous les auriez vus, à s’imaginer en pâte de verre à Murano ! Faut pas rêver je leur ai dit, on n’a pas les moyens, on reste à Créteil !