On est trois, assez vite.
D’abord il y a celui qui ne fait rien, un corps assis au bord du lit, le dos voûté, le regard au tapis, sa vie au tapis…
Et puis il y a celui qui regarde celui qui ne fait rien, qui l’interroge, qui se souvient, compare, qui pose et résout les énigmes.
Enfin il y a celui qui écrit devant sa table, qui scrute les deux autres et résume la situation. Il essaie de mettre ça en forme pour vous autres, que vous compreniez bien ce qui se joue là, entre le désir mort de l’un et le pourquoi de l’autre.
Celui qui écrit se prend pour Marguerite Duras,.
Il voudrait décrire l’œil du mou au lit, l’œil de celui qui n’est qu’un corps en attente. Cependant il sait qu’il n’est pas très bon en description.
Elle ne l’était pas non plus, Marguerite.
Il écrit donc simplement que ce mou de la vie a une voix grave et les yeux tristes, le reste n’a pas grande importance.
Il écrit : Appelons-le Sep.
Celui qui pose les questions c’est le Catalogue de la Manufacture des Âmes et Cycles : marcher, faire du vélo, c’est enfiler les déséquilibres, rire et parler et pleurer aussi. Vivre et mourir. Pouet Pouet.
Appelons-le Ti.
Celui qui écrit aurait voulu être auteur de polaraméricain. Il aurait alors introduit dans la pièce un modèle de femme dite fatale, perchée sur de hauts talons noirs et fins, sans oublier les bas de soie, le fume-cigarette, le patati et le popotin. Elle se serait approchée à pas vampés du lit, aurait saisi la triste tête du pauvre Sep entre ses doigts diaphanes, se la serait collée contre le ventre en murmurant ‟ I want you bébé, I want you bébé, I want you bébé !
Mais il est français, de Sarcelles.
Appelons-le Mus.
Voilà. Tout est en place. Sep, Ti et Mus.
Et Marguerite Duras, backstage.